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Добавлен: 05.08.2024

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l’écriture, la solitude de l’écrivain, les mots qui vous échappent, le trac avant de commencer, le trou blanc, le trou noir, les personnages qui s’invitent dans le récit, qui vous tirent par la manche… Mais se mettre à la tâche, toute seule, dans son bureau ! Impossible. Elle avait menti, un soir, pour crâner, pour se faire remarquer et son mensonge était en train de se refermer sur elle.

J’aimerais trouver un mari comme le tien, moi, soupira Caroline qui poursuivait ses pensées sans remarquer le trouble d’Iris. J’aurais dû lui mettre la main dessus avant que tu l’épouses.

Toujours célibataire ? demanda Iris, se forçant à s’intéresser au sort de Caroline Vibert.

Plus que jamais ! Ma vie est une fête perpétuelle. Je pars de chez moi à huit heures le matin, je rentre à dix heures le soir, j’avale un potage en sachet et hop ! au lit avec la télé ou un roman qui me prend pas la tête… J’évite les romans policiers pour ne pas avoir à attendre deux heures du matin pour connaître le nom de l’assassin. C’est dire ce que ma vie est passionnante ! Pas de mari, pas d’enfant, pas d’amant, pas d’animal domestique, une vieille mère qui ne me reconnaît pas quand je l’appelle ! La dernière fois, elle m’a raccroché au nez en prétendant qu’elle n’avait jamais eu d’enfant. J’en ai ri aux larmes…

Elle éclata d’un rire qui n’en était pas un. Un rire pour maquiller sa solitude, la vacuité de sa vie. Nous avons le même âge, songea Iris, mais j’ai un mari et un enfant. Un mari qui reste un mystère et un enfant qui est en train d’en devenir un ! Que faut-il mettre dans sa vie pour qu’elle devienne intéressante ? Dieu ? Un poisson rouge ? Une passion ? Le Moyen Âge, comme Jo… Pourquoi ne m’a-t-elle pas parlé de ces traductions ? Pourquoi Philippe ne m’a-t-il rien dit ? Ma vie est en train de se dissoudre, rongée par un acide invisible, et j’assiste, impuissante, à cette lente dissolution. La seule énergie qui me reste, je la mets dans les tranchées des soldes, au premier étage de la maison Givenchy. Je suis une poule de luxe avec une cervelle de poule d’usine car des comme moi y en a à la pelle dans le monde des privilégiées.

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Caroline avait fini de jouer avec la paille de son jus d’orange.

Je me demande pourquoi je risque ma vie dans ces soldes vu que je sors jamais ou alors en survêtement, le dimanche matin pour aller acheter ma baguette !

Tu as tort. Tu devrais t’habiller en Givenchy pour aller acheter ta baguette. Tu risques fort de faire des rencontres le dimanche quand tout le monde flâne dans les boulangeries.

Tu parles d’un lieu de rencontre ! Des familles qui achètent des croissants, des mamies qui hésitent entre une pâte feuilletée et une pâte sablée pour ne pas briser leur dentier, et des gamins obèses qui se foutent des sucreries plein les poches. Je risque pas de rencontrer Bill Gates ni Brad Pitt. Non, il ne me reste plus qu’Internet… Mais j’ai du mal à m’y résoudre. Mes copines y vont et parfois ça marche… Elles font des rencontres.

Caroline Vibert continuait à parler mais Iris ne l’écoutait plus. Elle la considérait avec un mélange de tendresse et de pitié. Assise en crochet X, les yeux cernés, la bouche amère, Caroline Vibert semblait une pauvre chose usée, flapie, alors que, une demi-heure avant, c’était une harpie, prête à flinguer son prochain pour avoir un petit haut en soie crème de Givenchy. Cherchez l’erreur, songea Iris. Où est la vraie ? Dissimulée dans les branches d’un arbre comme dans ces devinettes que j’adorais résoudre quand j’étais petite. Le méchant loup est caché dans ce dessin et le petit chaperon rouge ne se doute de rien, trouvez-le et sauvez le petit chaperon rouge ! Elle trouvait toujours le grand méchant loup.

Oh, faut que j’arrête de parler avec toi, soupira Caroline, ça me fout le cafard. Je ne pense jamais à tout ça, d’habitude. Je me demande si je ne vais pas retourner risquer ma vie chez Givenchy. Ça, au moins, ça vous forge un caractère… À condition que la cinglée au cutter ait disparu !

Les deux femmes s’embrassèrent et se séparèrent.

Iris regagna son taxi en sautant par-dessus les flaques. Elle pensa aux bottes de crocodile et se félicita de les avoir achetées.

Bien à l’abri dans la voiture, elle regarda Caroline Vibert se placer dans la queue pour attendre un taxi, place de l’Alma. Il pleuvait, la file d’attente était longue. Elle avait glissé ses achats sous son manteau pour les protéger. Elle ressemblait à un de ces

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capuchons qu’on pose sur les théières pour garder le thé chaud. Iris pensa à lui proposer de la raccompagner, se pencha par la fenêtre pour la héler, mais son téléphone sonna et elle décrocha.

Oui, Alexandre chéri, qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu pleures, mon amour… Dis-moi…

Il avait froid, il était mouillé. Il attendait devant l’école depuis une heure qu’elle vienne le chercher pour aller chez le dentiste.

Qu’est-ce qu’il y a, Zoé ? Parle à maman… Tu sais qu’une maman, ça comprend tout, ça pardonne tout, ça aime ses enfants même s’ils sont des assassins sanguinaires… Tu le sais, ça ?

Zoé, droite dans son pantalon écossais, avait enfoncé son index dans une narine et explorait son nez avec application.

On ne met pas les doigts dans son nez, mon amour… Même quand on a un gros chagrin.

Zoé le retira avec regret, l’inspecta et l’essuya sur son pantalon.

Joséphine regarda l’horloge de la cuisine. Il était quatre heures et demie. Elle avait rendez-vous dans une demi-heure avec Shirley pour aller chez le coiffeur. Je te paie le perruquier, avait dit Shirley, j’ai touché un gros paquet. Je vais te transformer en bombe sexuelle. Joséphine avait ouvert des yeux de Martienne qu’on menace d’un bigoudi. Tu vas me rendre sexuelle ? Tu vas me teindre en blond platine ? Non, non, une petite coupe et quelques mèches pour ajouter un peu de lumière. Jo appréhendait. Tu me changes pas trop, hein ? Mais non, je te fais belle comme une hirondelle et après on fête Noël tous ensemble avant que tu partes le célébrer chez les riches ! Elle n’avait plus qu’une demi-heure pour faire parler Zoé. Il fallait en profiter : Hortense n’était pas là.

Je peux faire le bébé ? demanda Zoé en escaladant les genoux de sa mère.

Jo la hissa jusqu’à elle. Les mêmes joues rebondies, les mêmes boucles emmêlées, le même petit ventre rond, le même côté pataud, la même fraîcheur inquiète. Jo se revoyait telle

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qu’elle était enfant sur les photos de famille. Une petite fille boudinée dans son chandail qui pointe le ventre en avant et regarde l’objectif d’un air méfiant. « Mon amour, ma petite fille que j’aime à la folie, murmura-t-elle en l’installant contre elle. Tu sais que maman est là ? Toujours, toujours ? » Zoé hocha la tête et se blottit contre elle. Elle doit avoir le cafard, songea Jo, Noël approche et Antoine est loin. Elle n’ose pas me le dire. Les filles ne parlaient jamais de leur père. Elles ne lui montraient pas les lettres qu’il envoyait une fois par semaine. Il appelait parfois, le soir. C’était toujours Hortense qui décrochait puis elle tendait l’appareil à Zoé qui balbutiait des oui et des non. Elles avaient fait une séparation bien nette entre leur père et leur mère. Jo entreprit de bercer Zoé en lui chantonnant des mots doux.

Oh, c’est qu’elle a grandi, mon bébé ! Ce n’est plus du tout un bébé ! C’est une belle jeune fille avec de beaux cheveux, un beau nez, une belle bouche…

À chaque mot elle lui effleurait les cheveux, le nez et la bouche, puis elle reprit sa comptine sur le même ton chantant :

Une belle jeune fille dont, bientôt, tous les garçons vont être fous d’amour. Tous les garçons du monde entier vont venir poser leur échelle sur la tour du château où habite Zoé Cortès pour recevoir un baiser…

À ces mots, Zoé éclata en sanglots. Joséphine se pencha sur elle et lui murmura dans l’oreille :

Dis, mon bébé… Dis à maman ce qui te fait tant de peine.

C’est pas vrai, tu mens, je suis pas une belle jeune fille et y a pas un garçon qui veut poser son échelle sur moi !

Ah ! nous y voilà, se dit Jo. Le premier chagrin d’amour. J’avais dix ans, moi aussi. Je me tartinais les cils de gelée de groseille pour les faire pousser. C’est Iris qu’il a embrassée.

D’abord, mon amour, on ne dit jamais « tu mens » à sa maman…

Zoé hocha la tête.

Et puis je ne mens pas comme tu dis, tu es une très jolie jeune fille.

Non ! Parce que Max Barthillet, il m’a pas mise sur sa

liste.

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C’est quoi cette liste ?

C’est Max Barthillet qui l’a faite. C’est un grand et il sait. Il a fait une liste avec Rémy Potiron et il m’a pas mise dessus ! Il a mis Hortense, mais pas moi.

Une liste de quoi, mon amour chéri ?

Une liste de filles vaginalement exploitables et j’y suis pas. Jo faillit laisser tomber Zoé de ses genoux. C’était la

première fois qu’une de ses filles était associée à un vagin. Ses lèvres se mirent à tressauter et elle passa sa langue sur ses dents pour en calmer le tremblement.

Est-ce que tu sais, au moins, ce que ça veut dire ?

Ça veut dire que c’est des filles qu’on peut baiser ! Il me l’a

dit…

Parce qu’il t’a expliqué, en plus ?

Oui, il m’a dit qu’il fallait pas que j’en fasse toute une histoire parce qu’un jour, moi aussi, j’aurais un vagin exploitable… mais que c’était pas pour tout de suite.

Zoé avait attrapé un bout de la manche de son sweat-shirt et le mâchonnait, l’air douloureux.

D’abord, chérie, commença Joséphine en se demandant comment il fallait répondre à cet affront, un garçon ne classe pas les filles selon la qualité de leur vagin. Un garçon sensible n’utilise pas une fille comme une marchandise.

Oui mais Max, c’est mon copain…

Alors il faut que tu lui dises que tu es fière de ne pas être sur sa liste.

Même si c’est un mensonge ?

Comment, un mensonge ?

Ben oui… j’aimerais bien être sur la liste.

Vraiment ? Eh bien… tu vas lui dire que ce n’est pas délicat de classer les filles comme ça, qu’entre un homme et une femme on ne parle pas de vagin mais de désir…

C’est quoi, le désir, maman ?

C’est quand on est amoureux de quelqu’un, qu’on a très envie de l’embrasser mais qu’on attend, on attend et toute cette attente… c’est le désir. C’est quand on ne l’a pas encore embrassé, qu’on en rêve en s’endormant, c’est quand on imagine, qu’on tremble en l’imaginant et c’est si bon, Zoé, tout

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ce temps-là où on se dit que peut-être, peut-être on va l’embrasser mais on n’est pas sûre…

Alors on est triste.

Non. On attend, le cœur se remplit de cette attente… et le jour où il t’embrasse… Alors là, c’est un feu d’artifice dans tout ton cœur, dans toute ta tête, tu as envie de chanter, de danser et tu deviens amoureuse.

Alors je suis déjà amoureuse ?

Tu es encore très petite, tu dois attendre…

Jo chercha une image pour montrer à Zoé que Max n’était pas un amoureux pour elle.

C’est comme, déclara-t-elle, comme si toi, tu parlais à Max de son zizi. Comme si tu lui disais, je veux bien t’embrasser mais il faut que je voie ton zizi d’abord.

Il m’a déjà proposé de voir son zizi ! Alors il est amoureux, lui aussi ?

Joséphine sentit son cœur battre à toute allure. Rester calme, ne pas montrer son affolement, ne pas s’énerver ni s’emporter contre Max.

Et… il te l’a montré ?

Non. Parce que j’ai pas voulu…

Eh bien, tu vois… C’est toi qui as eu raison ! Toi, la plus petite ! Parce que, sans le savoir, tu voulais pas voir son zizi, tu voulais de la tendresse, de l’attention, tu voulais qu’il reste à côté de toi et que vous attendiez tous les deux avant de faire quoi que ce soit…

Oui mais, maman, il l’a montré à d’autres filles et depuis, il dit que je le colle, que je suis un bébé.

Zoé, il faut que tu comprennes quelque chose. Max Barthillet a quatorze ans, presque quinze, il a l’âge d’Hortense, il devrait être ami avec elle. Pas avec toi ! Il faut peut-être que tu te trouves un autre ami…

C’est lui que je veux, maman !

Oui, je sais, mais vous n’êtes pas du tout sur la même longueur d’onde. Il faut que tu t’éloignes pour que tu lui redeviennes précieuse. Que tu joues la Princesse Mystère. Ça marche toujours, avec les garçons. Ça prendra un peu de temps

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mais, un jour, il reviendra vers toi et il apprendra à être délicat. C’est ça ta mission : apprendre à Max à être un vrai amoureux.

Zoé réfléchit un instant, laissa tomber le bord de sa manche et ajouta, désabusée :

Ça veut dire que je vais être toute seule.

Ou que tu vas te trouver d’autres amis.

Elle soupira, se redressa et descendit des genoux de sa mère en tirant sur les jambes de son pantalon écossais.

Tu veux venir avec Shirley et moi chez le coiffeur ? Il te fera de belles boucles comme tu les aimes…

Non, j’aime pas le coiffeur, il tire les cheveux.

Bon. Tu m’attends ici et tu travailles. Je peux te faire confiance ?

Zoé prit un air sérieux. Joséphine la regarda dans les yeux et lui sourit.

Ça va mieux, mon amour ?

Zoé avait repris sa manche de sweat-shirt et la tétait à nouveau.

Tu sais, maman, depuis que papa est parti, la vie, elle est pas drôle…

Je sais, mon amour.

Tu crois qu’il reviendra ?

Je ne sais pas, Zoé. Je ne sais pas. En attendant, tu vas te faire plein de copains maintenant que tu ne seras plus toujours flanquée de Max. Il y a sûrement des tas de garçons et de filles qui veulent être amis avec toi mais qui pensent que Max prend toute la place.

La vie, elle est dure pas que pour ça, soupira Zoé. Elle est dure pour tout.

Allez, la secoua Jo en riant, pense à Noël, pense aux cadeaux que tu vas recevoir, pense à la neige, au ski… C’est pas gai, ça ?

Moi je préférerais faire de la luge.

Eh bien, on fera de la luge toutes les deux, d’accord ?

On peut pas emmener Max Barthillet avec nous ? Il aimerait bien faire du ski et sa maman, elle a pas les sous pour…

Non, Zoé ! s’écria Joséphine au bord de la crise de nerfs. Puis elle se calma et reprit : On n’emmène pas Max Barthillet à

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Megève ! On est invités chez Iris, on n’emmène pas des gens dans nos valises.

— Mais c’est Max Barthillet !

Joséphine fut sauvée de l’emportement par deux coups de sonnette rapides. Elle reconnut la main énergique de Shirley et, se baissant pour embrasser Zoé, lui recommanda de réviser son histoire en attendant sa sœur qui n’allait pas tarder à rentrer.

Vous faites vos devoirs et, ce soir, on fête Noël avec Shirley et Gary.

Et j’aurai mes cadeaux en avance ?

Et tu auras tes cadeaux en avance…

Zoé s’éloigna en gambadant vers sa chambre. Joséphine la regarda et se dit qu’elle risquait bientôt d’être dépassée par ses deux filles.

Dépassée par la vie, en général.

Revenir au temps d’Érec et Énide. À l’amour selon Chrétien de Troyes.

L’amour courtois et ses mystères, ses effleurements, ses soupirs, ses douleurs enchantées, ses baisers volés et la haute idée de l’autre dont on arbore le cœur au bout de sa lance. J’étais faite pour vivre à cette époque-là. Ce n’est pas un hasard si je me suis prise de passion pour ce siècle. Princesse Mystère ! J’ai beau jeu de dire ça à ma fille, moi qui en suis incapable.

Elle soupira, prit son sac, ses clés et claqua la porte.

Ce n’est qu’une fois chez le coiffeur, la tête recouverte de papillotes en aluminium, que Joséphine reprit le fil de ses pensées et se confia à Shirley, qui, elle, se faisait faire une décoloration platine sur ses mèches de garçon.

J’ai une drôle de tête, non ? demanda Jo en s’apercevant dans la glace, le scalp farci de nœuds argentés.

T’as jamais fait de balayage ?

Jamais.

Fais un vœu si c’est la première fois.

Joséphine regarda le clown dans la glace et lui chuchota :

Je fais le vœu que mes filles ne souffrent pas trop dans la

vie.

C’est Hortense ? Elle a encore frappé ?

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Non, c’est Zoé… chagrin d’amour à cause de Max Barthillet.

Les chagrins d’amour de nos enfants, c’est ce qu’il y a de pire. On souffre autant qu’eux et on est impuissantes. La première fois que c’est arrivé à Gary, j’ai cru que j’allais mourir. J’aurais étripé la gamine.

Joséphine lui raconta « la liste des vagins exploitables ». Shirley éclata de rire.

Moi je ne trouve pas ça drôle mais inquiétant !

Ce n’est plus inquiétant puisqu’elle t’en a parlé : elle l’a évacué, et c’est formidable, elle te fait confiance. She trusts you ! Félicite-toi d’être une mère aimée au lieu de gémir sur les mœurs actuelles. C’est comme ça aujourd’hui et c’est comme ça partout. Dans tous les milieux, dans tous les quartiers… Donc, prends ton mal en patience et fais exactement ce que tu fais : de la présence douce. On a de la chance : on travaille à la maison. On est là pour écouter les moindres bobos et rectifier le tir.

Tu n’es pas choquée ?

Je suis choquée par tellement de choses que j’en perds le souffle ! Alors j’ai décidé de devenir positive sinon je deviens folle.

On marche sur la tête, Shirley, si des gamins de quinze ans classent les filles selon l’accès à leur vagin.

Calme-toi. Je te parie que le même Max Barthillet deviendra une petite fleur bleue, le jour où il sera vraiment amoureux. En attendant, il joue les caïds et roule des mécaniques ! Tiens Zoé loin de lui un moment, et tu verras, ils redeviendront copains sans problème.

Je ne veux pas qu’il l’agresse !

Il ne lui fera rien. Et s’il fait quelque chose, ce sera avec une autre. Je parie n’importe quoi qu’il a fait ça pour impressionner… Hortense ! Ils fantasment tous sur ta petite peste. Mon fils le premier ! Il croit que je ne le vois pas : il la mange des yeux !

Quand j’étais petite, c’était pareil avec Iris. Tous les garçons en étaient fous.

On a vu ce que ça a donné.

Ben… Elle a plutôt réussi, non ?

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Oui. Elle a fait un beau mariage… si tu appelles ça réussir. Mais sans le fric de son mari, elle n’est rien !

Tu es dure, avec elle.

Non ! Je suis lucide… Et toi, tu devrais t’entraîner à l’être un peu plus.

L’intonation agressive d’Iris, l’autre jour, à la piscine, revint

àla mémoire de Jo. Et l’autre soir, au téléphone… quand Jo avait essayé de lui donner des idées pour son livre… je t’aiderai, Iris, je te trouverai des histoires, des documents, tu n’auras plus qu’à écrire ! Tiens, sais-tu comment on appelait les « impôts » en ce temps-là ? Et comme elle ne répondait pas, Jo avait lâché :

«banalités », on appelait ça les « banalités » ! Tu ne trouves pas ça drôle ? Et alors… Alors… Iris, sa sœur, sa sœur bien-aimée, avait répondu… Tu fais chier, Jo, tu fais chier ! Tu es trop… ! Et elle avait raccroché. Trop quoi ? s’était demandé Jo, interloquée. Elle avait décelé une réelle méchanceté dans ce « tu fais chier, Jo ». Elle ne le raconterait pas à Shirley, ce serait lui donner raison. Iris devait être malheureuse pour réagir ainsi. C’est ça, elle est malheureuse…, avait répété Jo en écoutant le combiné qui sonnait occupé, dans le vide.

Elle est gentille avec les filles.

Pour ce que ça lui coûte !

Tu ne l’as jamais aimée, je ne sais pas pourquoi.

Et ton Hortense… si tu ne la visses pas, elle finira comme sa tante. Ce n’est pas un métier d’être « la femme de… » ! Le jour où Philippe laissera tomber Iris, il ne lui restera que sa petite culotte pour pleurer.

Il ne la laissera jamais tomber, il est fou amoureux d’elle.

Qu’est-ce que tu en sais ?

Jo ne répondit pas. Depuis qu’elle travaillait pour Philippe, elle avait appris à le connaître. Quand elle allait dans son cabinet d’avocats, avenue Victor-Hugo, elle jetait un œil dans son bureau, si la porte était entrouverte. L’autre fois, elle l’avait fait rire… il faut appuyer sur une télécommande pour que tu relèves la tête de tes dossiers ? avait-elle demandé dans l’embrasure de la porte. Il lui avait fait signe d’entrer.

— Encore un quart d’heure et je rince, déclara Denise, la coloriste, en écartant les papillotes argentées avec la pointe de

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